Le Time-Out est-il efficace ?

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Une pratique éducative démontrée efficace sous certaines conditions

La technique du « Time-0ut » est une technique recommandée depuis plus de 50 ans par des psychologues et étudiée depuis de nombreuses années dans le champ de la parentalité. Ce terme correspond à l’abréviation de la phrase « Time out from positive reinforcement », c’est-à-dire un temps-mort où l’enfant ne bénéficie plus de renforcements positifs de la part de l’adulte ou de leur environnement (par exemple les objets avec lesquels ils jouent) pendant une durée déterminée. La durée du « temps mort » peut varier de 1 à 4 minutes (Riley et al., 2017). La pratique du « Time-Out » n’est cependant pas plus efficace lorsqu’il est plus long. Toute durée supplémentaire du time-out n’a pas montré de supériorité de l’efficacité de la méthode mais risquerait d’augmenter le mal-être de l’enfant (Kapalka et Bryk, 2007).

Il s’agit d’une approche comportementale qui fait partie d’un ensemble de techniques visant à renforcer les comportements constructifs de l’enfant. On retrouve ces techniques dans la plupart des programmes de soutien à la parentalité fondés sur des données probantes (Leijten et al. 2019), notamment des programmes de parentalité positive ayant montré leur efficacité tels que le Programme de Parentalité Positive (Triple P).

Les recherches identifient quatre ingrédients clés pour rendre cette pratique éducative efficace. 

1.La capacité du parent à garder son calme. 

2. La mise à l’écart est présentée à l’enfant comme un moyen de faire une pause en vue de pouvoir reprendre une interaction plus constructive.

3. La verbalisation explicite et claire du comportement souhaité au lieu de décrire le comportement inapproprié.

4. Le maintien d’une relation chaleureuse avec son enfant. 

Plus concrètement, en quoi elle consiste ? 

Lorsque l’enfant adopte un comportement inapproprié, il est préférable de placer l’enfant dans un lieu où l’enfant peut s’apaiser durant 1 à 4 minutes selon l’âge de l’enfant et souvent en présence du parent.

Il est important de revenir ensuite à l’endroit où s’est déroulé le problème puis de l’inviter à reprendre l’activité/situation en félicitant le comportement adapté. Il est en effet important de féliciter son enfant dès qu’il réalise le comportement attendu et d’expliciter clairement celui-ci afin que l’enfant le comprenne bien.  

Il est préconisé d’appliquer cette pratique éducative immédiatement afin que l’enfant puisse comprendre le lien entre le comportement inapproprié et le recours à la conséquence en cas de désobéissance. 

Par exemple, retirer l’objet avec lequel l’enfant joue trop brutalement. Le parent souligne la règle de jouer doucement avec l’objet et le félicite lorsqu’il adopte ce comportement. Selon l’âge de l’enfant, le parent peut aussi demander à l’enfant s’il connait le comportement adapté et/ou les conséquences de celui-ci.

Le programme Triple P préconise le recours à d’autres stratégies éducatives plus adaptées lorsque l’enfant émet un comportement inapproprié en public (par exemple, une sortie dans un magasin, une sortie pour un dîner en extérieur, les déplacements en voiture et/ou en transport en commun). 

La méthode du Time-Out n’est pas une punition visant à générer des émotions difficiles chez l’enfant dans l’optique de créer une aversion au comportement inapproprié et à gérer la situation problématique de manière durable. 

Si cette technique est utilisée dans ce sens ou si le parent perd le contrôle de soi, elle peut s’avérer inefficace, voire même aggraver les tensions au sein de la famille entraînant une escalade de punitions et de problèmes de comportement. 

Contrairement à une idée régulièrement évoquée par des parents et certains professionnels, la mise à l’écart ne permet pas à l’enfant de mieux comprendre le type de comportement constructif qu’il pourrait mettre en œuvre ou celui qui est attendu par le parent.

Le facteur clé : le renforcement positif des comportements constructifs

C’est par le renforcement positif des comportements considérés comme constructifs que l’on favorise l’augmentation de ces comportements dits adaptés, notamment par le développement des compétences psychosociales telles que la régulation des émotions et le développement du raisonnement moral.

Les stratégies disciplinaires dites inductives ou coercitives

Parmi les différentes stratégies disciplinaires utilisées par les parents, la stratégie de l’induction est démontrée comme étant la plus efficace par les travaux de Martin Hoffman. Elle consiste à indiquer à l’enfant le comportement problématique, en rendant saillantes les conséquences de ce comportement sur soi et sur autrui ainsi qu’en proposant des comportements constructifs (par exemple, faire un dessin pour dire pardon, prêter un de ses jouets, proposer un jeu pour développer la coopération avec un autre enfant). Cette stratégie permet de développer les compétences d’empathie chez l’enfant et d’identifier des alternatives possibles à ce comportement avec des conséquences plus favorables. Ce type de stratégie peut être utilisée non seulement par les parents mais également par les enseignants.

Par exemple, une étude réalisée en école maternelle a montré que les élèves ayant bénéficié de ce type de stratégie de l’induction pendant 9 semaines ont développé leur niveau d’empathie de manière significativement plus importante que les élèves n’ayant pas bénéficié de cette approche. 

Entre 2 et 10 ans, l’enfant rencontre en moyenne 15000 événements disciplinaires par an (Martin Hoffman, 2020). 

Ainsi, le type de stratégie disciplinaire la plus utilisée par le parent influence durablement le développement des compétences psychosociales de l’enfant.

La stratégie de l’induction nécessite cependant plus d’énergie et de ressources cognitives. Il s’agit ainsi d’une méthode éducative exigeante à la fois pour le parent et pour l’enfant. Cette méthode éducative dite inductive contribue au développement des compétences psychosociales qui seront utiles tout au long de la vie. 

Quant aux stratégies dites coercitives, celles-ci peuvent avoir un effet momentané sur la réduction du comportement inadapté mais apportent moins de bénéfices dans le développement de l’enfant. 

Il permet néanmoins d’éviter le recours à des punitions ou à des châtiments corporels qui ont des conséquences délétères sur le développement de l’enfant, notamment la capacité à réguler les émotions (Holden, 2020).

Il représente donc une technique pouvant être pertinente en cas de stress et de fatigue importante réduisant l’accès aux ressources. 

Le burnout parental multiplierait par 10 les risques de négligence et de maltraitance (Mikolajczak et al. 2018).

Ainsi, le recours au Time-Out ne doit pas être systématique car le renforcement des comportements positifs de l’enfant et la relation de soutien inconditionnel de l’enfant sont plus efficaces pour développer les compétences d’empathie, de coopération et de régulation des émotions et des comportements de l’enfant. Il est nécessaire de demander du soutien à son entourage pour s’octroyer du temps pour soi et/ou de se rapprocher d’une structure déployant des interventions de soutien à la parentalité (par exemple, le LAEP, la maison de la parentalité et de familles, le café des parents, le café des enfants, etc.). Si l’épuisement ne vous permet plus d’accéder à vos ressources personnelles, il est important de consulter l’avis d’un professionnel de santé.

Pour en savoir plus, consultez aussi l’article publié sur le Monde et co-écrit par les scientifiques spécialisés dans le développement de l’enfant, notamment le Pr. de psychologie de l’Université Lyon 2 Rebecca Shankland, les Pr. de psychologie de l’Université de Genève Philip Jaffé et Edouard Gentaz, le psychiatre Christophe André, le Pr. des universités et ancien chef de service de psychiatrie de l’enfant Antoine Guedeney, le Pr. de pédopsychiatrie de l’Université Lyon 1 Pierre Fourneret, le Pr. de psychopathologie du développement à l’université de Rouen Susana Tereno, le Pr. de psychologie à la Southern Methodist University George Holden et le maître de conférence en psychologie à l’Université Paris VII Thomas Villemonteix, en cliquant sur le lien suivant : le recours à une éducation répressive est défavorable au développement de l’enfant.

Références : 

Kapalka G. M., Bryk L. J. (2007). Two- to four- minute time-out is sufficient for young boys with ADHD. Early Childhood Services, 1, 181-188.

Knight, R. M., Albright, J., Deling, L., Dore-Stites, D., & Drayton, A. K. (2020). Longitudinal Relationship Between Time-Out and Child Emotional and Behavioral Functioning. Journal of developmental and behavioral pediatrics : JDBP, 41(1), 31–37.

Leijten, P., Gardner, F., Melendez-Torres, G. J., van Aar, J., Hutchings, J., Schulz, S., Knerr, W., & Overbeek, G. (2019). Meta-Analyses : Key Parenting Program Components for Disruptive Child Behavior. Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry58(2), 180‑190. https://doi.org/10.1016/j.jaac.2018.07.900

Riley, A. R., Wagner, D. V., Tudor, M. E., Zuckerman, K. E., & Freeman, K. A. (2017). A Survey of Parents’ Perceptions and Use of Time-out Compared to Empirical Evidence. Academic Pediatrics17(2), 168‑175.https://doi.org/10.1016/j.acap.2016.08.004

Mikolajczak, M., Brianda, M. E., Avalosse, H., & Roskam, I. (2018). Consequences of parental burnout: Its specific effect on child neglect and violence. Child Abuse and Neglect, 80, 134-145. 

Holden, G.W. Pourquoi les parents frappent-ils leurs enfants ? Des déterminants culturels aux déterminants inconscients. Psychoanal. Study Child 2020, 73, 10-29. 

Holden, G.W. ; Gower, T. ; Wee, S.E. ; Gaspar, R. ; Ashraf, R. Is It Time for « Time-In » ? A Pilot Test of the Child-Rearing Technique. Pediatr. Rep. 2022, 14, 244-253. https:// 

doi.org/10.3390/pediatric14020032

Martin Hoffman (2020). Empathie et développement moral. Paris : Dunod.

Programme de Parentalité Positive (Triple P) : https://www.triplep-parentalite.fr/fr-fr/triple-p/

Rebecca Skankland et Aurélie Paldacci de l’OPSP

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